“Il y a tant de raison d’écrire, outre celle de publier ; par exemple exalter la conscience, l’attention ; tracer un chemin ; son chemin ; détruire ; croître. Et tout se ramène à une certaine forme de vie, qui est l’œuvre par excellence ...” (lettre à J. Paulhan, 10 juin 1031)
voici les premières lignes de son journal :
“Mercredi 22 janvier 1913 : C’est dangereux. C’est dangereux. Et pourtant utile. Plus, c’est indispensable. Et puis, il y a du plaisir. Quand j’étais jeune-fille, gosse, adolescente, est-ce que mes plus belles heures n’ont pas été passées sur des cahiers analogues, à évoquer mes dieux ? Chers dieux que le mariage a fait fuir, revenez, vous vous êtes trompés, je suis seule comme avant. Comme vous avez fui !
Et je le savais, des années plus tôt. Mais quoi. Maintenant, il s’agit de vous rattraper. Et quand vous serez là - toi, celle qui regarde trop loin, toi celui qui déteste les demi-boudeurs, toi l’ambitieuse, toi l’orgueilleuse, toi la folle, toi la croyante, toi le chemin des étoiles et toi le contempteur du ridicule, toi le sage à ma manière, toi le plus bel amour, toi qui mène après la mort et toi-que-les-autres-ne-font-pas-rire, quand vous serez là, assis en cercle, dans un silence que je ne comprends presque plus, nous ferons le bilan. (...)
Pas de lecteur ni en vue, ni que mon caractère descende à désirer. Ceci est une œuvre utilitaire, mono-utilitaire. On n’y mettra pas en épigraphe l’admirable mot de Gourmont : “Chez la femme, l’intelligence a une odeur de sexe.” Oui, oui mais personne n’aura à se boucher le nez ; et le mien retrouve une petite odeur picotante qui le ravigote et l’anime.”